A cura di Jean-Charles Vegliante.
L’abolition prochaine de la nature
Les petites plantes viennent vers moi et me disent :
« Tu ne peux rien faire, nous le savons, pour nous.
Mais si tu veux, nous entrerons dans ta chambre,
branches et racines parmi tes papiers auront refuge. »
Je leur ai dit oui à cette demande
et le troupeau de feuilles est là qui me regarde.
Avec les forêts je reposerai, avec les herbes lasses,
innumérables armées vaincues qui me défendent.
1984
Le piccole piante mi vengono incontro e mi dicono:
“Tu, lo sappiamo, nulla puoi fare per noi.
Ma se vorrai entreremo nella tua stanza,
rami e radici fra le carte avranno scampo”.
Ho detto di sì a quella loro domanda
e il gregge di foglie ora è qui che mi guarda.
Con le foreste riposerò e le erbe sfinite,
vinte innumerabili armate che mi difendono.
(On m’a expliqué…)
On m’a expliqué que les bêtes, les herbes
aveugles, modestes, vaincues, assoupies
ou en soi recueillies, négligées, lasses,
figées dans mes vers,
sont une mère de moi-même, images
de sommeil et de protection.
Mais désormais je n’ai plus sommeil, ni protection.
Sans répit est ce mal, père.
(2 octobre 1994)
Mi hanno spiegato che le bestie e l’erbe,
cieche o modeste o vinte o assopite
o in sé raccolte, dimesse, sfinite,
rapprese nei miei versi,
sono una madre di me stesso, immagini
di sonno e di custodia.
Ma ormai sonno non ho, non ho custodia.
È senza requie questo male, padre.
Encore sur le Golfe
Que, d’immondes armées,
les métaux en décharges
de rouille et de goudrons
dessèchent les vallées.
Or qui a tué, pleure,
mais juste en rêve ; et puis
puisse oublier. Car ses
pleurs ne servent à rien.
Où courut le liquide
qui les méninges baigne
de crânes innombrables
pointe, ah, un maigre épi,
une avoine ! Et l’aride
piquant broute la chèvre.
Cette espérance s’ouvre
aux vivants d’ici-bas
jusqu’à ce que tordus
crient les gonds de la terre
et, chantant, bleus s’embrasent
les mondes dans la guerre
des espaces, des clairs
astres d’outre le temps
et vacant rie le temple
de l’Être qui là fut…
(Light verses e imitazioni, 1994)
– Composita solvantur –
ANCORA SUL GOLFO
Ora dei lordi eserciti
gli insepolti metalli
di catrami e di ruggine
dissecchino le valli.
Ora chi uccise lacrimi
ma solo in sogno; e poi
dimentichi. Quei suoi
pianti non giovan più.
Dove già corse il liquido
che le meningi irriga
da crani innumerevoli
magra ahi fili una spiga
una avena! Sia l’arida
spina un pasto alla capra.
Tanta speranza s’apra
ai vivi di quaggiù
finché storti gli striduli
cardini della terra
cantino e azzurri avvampino
i mondi nella guerra
degli spazi e dei candidi
astri di là dal tempo
e vacuo rida il tempio
dell’Essere che fu…
Le poète, traducteur, universitaire, intellectuel engagé Franco Fortini aurait eu maintenant 100 ans… Nous avons été très proches de ce grand aîné – au demeurant bon connaisseur de la littérature française (et allemande) –, lequel avait même participé à l’un de nos tout premiers séminaires de traduction à la jeune Sorbonne Nouvelle, dirigé par le regretté Mario Fusco et moi-même (J.-Ch. V.). Comme il arrive parfois, lorsque le “bon service” des “amis” n’est pas la priorité d’une équipe, cette proximité a fait que Franco a été un peu (presque) oublié parmi les auteurs ici présents.
Que ce petit choix, venant compléter d’une part une publication ancienne de Fédérop (où déjà L’abolition prochaine de la nature – alors inédit – figurait sous une forme légèrement différente) et un n° des “Langues Néo-Latines” (265, juin 1988) pour lequel le poète avait donné quelques inédits (par la suite intégrés au fondamental Composita solvantur, 1994) ; d’autre part les Chansonnettes du Golfe, publiées dans une grande revue parisienne quelques mois avant la mort de Fortini (28 nov. 1994), alors que la guerre du Golfe était encore dans tous les esprits, fasse pardonner une telle amicale distraction. Plus récemment, d’autres textes traduits par moi ont paru sur “Recours au Poème” et “Poezibao”, deux revues en ligne qui comptent, ainsi que dans notre site CIRCE général.
Mais il n’est peut-être pas fortuit, après tout, que cette longue série de traductions d’une “autre poésie italienne” (d’abord à l’enseigne de l’environnement, puis de la disparition) s’achève aujourd’hui avec cet auteur né en 1917… et trop peu connu en France. Non, bien sûr, «Nulla sarà perduto ma anche se fosse ⎢ Anche se non esistesse nessuna salvezza ⎢[…]»…
J.-Ch. V.
© les auteurs, et CIRCE pour la traduction
(ed. it. L. Lenzini, Oscar poesia Mondadori, 2014)
Maria Borio è nata nel 1985 a Perugia. È dottore di ricerca in letteratura italiana contemporanea. Ha pubblicato le raccolte Vite unite ("XII Quaderno italiano di poesia contemporanea", Marcos y Marcos, 2015), L’altro limite (Pordenonelegge-Lietocolle, Pordenone-Faloppio, 2017) e Trasparenza (Interlinea, 2019). Ha scritto le monografie Satura. Da Montale alla lirica contemporanea (Serra, 2013) e Poetiche e individui. La poesia italiana dal 1970 al 2000 (Marsilio, 2018).